photo mains en train de cuisiner

Les femmes Cheffes à Marseille

Marseille est, selon la légende, née grâce à une femme, Gyptis, qui choisit d’épouser un marin étranger Protis. Alors la place des femmes à Marseille est un sujet, un sujet important. De la cagole à Nana sur le Vieux-Port, de l’entrepreneuse branchée à la mère au foyer, de la grand-mère cuisinant la soupe au pistou à la Cheffe étoilée, nous sommes toutes des femmes de Marseille qui faisons vivre et vibrer cette ville. We should all be feminist, et Marseille la première. Pour cet article, j’ai choisi de mettre en avant les femmes Cheffes à Marseille, qui régalent vos papilles tous les jours de la semaine et font briller la culture gastronomique marseillaise par-delà nos frontières, mais aussi de belles initiatives engagées.

Publié le 7 mars 2023
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Estelle Desrutins
  • Marseille en 3 mots

    Solaire, bouillonnante, authentique

  • Mon domaine de prédilection

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Sarah Chougnet Studel chez Regain

Si vous ne connaissez pas encore la délicieuse cuisine de la Cheffe Sarah Chougnet Studel chez Regain, il est temps d’aller la découvrir dans le quartier du Camas ! Après un parcours classique en école de cuisine à Paris, et plusieurs voyages notamment à Singapour (où elle a vécu 8 mois), puis à Londres où elle a travaillé pour les célèbres Cheffes Hélène Darroze et Anne-Sophie Pic, Sarah a choisit d’ouvrir son premier restaurant à Marseille. « Je sentais qu’il se passait plein de choses dans cette ville, il y avait une énergie particulière dans le milieu de la gastronomie ». L’important chez Regain ce sont avant tout les produits, « ils viennent tous de Marseille ou à proximité comme Arles ou Aix-en-Provence. Uniquement de la pêche méditerranéenne et la viande est sourcée par une personne de Frontignan (La Boucherie Viande Éthique) qui travaille en direct avec les éleveurs. Les plats et les menus sont faits selon les produits qu’on récupère donc ça change plusieurs fois par semaine ! On respecte le travail des producteurs et on essaie de ne pas dénaturer le produit. Des clients disent également de ma cuisine qu’elle est assez épicée, une influence de mon expérience à Singapour sûrement ! »

Aujourd’hui le milieu de la restauration commence à voir ses défauts et à évoluer dans le bon sens, notamment sur le sexisme ou les conditions de travail, une révolution serait-elle en cours ? « J’ai commencé quand c’était encore très fermé, aujourd’hui les choses évoluent dans le bon sens, il y a de plus en plus de femmes avec des postes à responsabilité, avant ce n’était pas le cas. Ce qui fait du bien aussi ce sont les gens qui arrivent dans la gastronomie en reconversion, ils connaissent le monde du travail et ils savent dire non. Il y a de plus en plus d’initiatives, je participe notamment avec l’association « Bondir.e » à des interventions auprès des jeunes, au lycée hôtelier de Bonneveine par exemple, pour les sensibiliser sur le harcèlement au travail et leur apprendre que ce n’est pas normal, ni légal peu importe le milieu ». Aujourd’hui à Marseille on voit une belle évolution dans le nombre de restaurants, épiceries ou cafés ouverts par des femmes, alors qu’est-ce que c’est être une femme Cheffe en 2023 à Marseille ? « C’est assez fou, dans cette ville je n’en avais pas conscience mais c’est une ville où il y a un grand nombre de femmes Cheffes propriétaires de restaurants. Il y a une vraie communauté ! Je reçois majoritairement des CV de femmes pour le restaurant, d’ailleurs mon équipe est 100% féminine. Je trouve qu’on est très bien représentées à Marseille et il faut que ça continue, on a une super dynamique !« .

Marie Dijon chez Caterine

Restons dans le 6e arrondissement avec Marie Dijon, Cheffe du restaurant Caterine à la rue Fontange. Cette cantine méditerranéenne 100% féminine a su se faire un nom dans l’offre gastronomique du Cours Ju’ ! « C’est une reconversion professionnelle, j’étais en licence de droit à l’origine, mais à 20 ans j’ai commencé une alternance au lycée hôtelier de Bonneveine avec le restaurant Une Table au Sud, puis j’ai travaillé avec mon mentor Pierre Gianetti au Grain de Sel. A 28 ans j’ai ouvert mon propre restaurant avec ma seconde historique connue à Bonneveine, Eugénie Cénatiempo. On gère le restaurant et la cuisine, et on est toutes les deux marseillaises, on ne quitterait cette ville pour rien au monde ! ». Pour Marie la cuisine chez Caterine c’est avant tout s’en donner à cœur joie, « c’est une cuisine locale, saine et d’humeur ! Je fais en sorte de m’amuser en créant les plats et j’aime à croire que les gens le ressentent quand ils mangent. Il y a plein de textures, de goûts qui s’entremêlent grâce aux idées et au non gaspillage. ».

Sur l’évolution positive  du monde de la cuisine, notamment grâce aux femmes, « les langues se délient petit à petit, les femmes osent plus qu’avant et s’émancipent complètement en créant leurs lieux, ainsi il n’y a plus de risque qu’il y ait quelqu’un au dessus pour abuser de son pouvoir ! C’est ce qu’on a fait chez Caterine. » Pour Marie, être un femme Cheffe en 2023 à Marseille c’est dire et montrer que tout est possible, « il y a une entraide naturelle qui est présente avec les copines Cheffes de la ville. C’est une question de sexe mais aussi de génération et d’état d’esprit : du manger local, bien fait, par de belles personnes. On est nombreuses maintenant ici c’est vraiment chouette. ».

Delphine Roux chez Madie les Galinettes

Direction le Vieux-Port, chez Madie les Galinettes, une institution de Marseille pour la cuisine provençale dirigée par Delphine Roux depuis 1995, « acheter ce restaurant c’était mon rêve de petite fille, j’ai été refusée en école hôtelière malheureusement ! Après un détour par la fac de droit j’ai trouvé une formation pour adulte pour obtenir un CAP cuisine, et j’ai rencontré beaucoup de chefs qui m’ont inspirée. »

Depuis toutes ces années c’est son père, ancien chevillard, qui lui apporte ses produits, en direct du MIN des Arnavaux , « il y est dès 4h du matin à sélectionner des produits de saison ! Je prends toujours beaucoup de plaisir à reproduire des plats traditionnels ou d’autres plus originaux, j’ai une super équipe en cuisine, depuis plus de 20 ans pour certains ! J’adore échanger avec les clients. Notre cuisine est une cuisine provençale traditionnelle ; comme les artichauts en barigoule ; la daube ; les pieds et paquets les alouettes sans têtes et bien sûr la bouillabaisse. »
Delphine a assisté à l’évolution de la cuisine et aux changements positifs au sein de ce milieu « je trouve que ça évolue vraiment dans le bon sens, les femmes Cheffes à Marseille sont très présentes ! Je crois qu’on est même la ville où il y en a le plus ? Je les connais un peu même si je suis la plus ancienne de toutes ! Il y a vraiment une bonne ambiance entre nous. »

Noémie Lebocey chez les Eaux de Mars

Partons maintenant rue Consolat, où la cuisine de la Cheffe Noémie Lebocey du restaurant les Eaux de Mars ravit tout le quartier et même plus ! « La cuisine ça a été une reconversion après les Beaux-Arts, je suis de Normandie, j’ai beaucoup voyagé. Et Marseille m’a inspirée alors j’ai ouvert mon restaurant ici ! ». Au restaurant elle fait très attention au sourcing de ses produits « on a une cuisine de bistrot de saison, ce qui nous porte c’est d’utiliser des jolis produits, choisis chez nos producteurs locaux, on est labellisé Ecotable, c’est très important pour nous, indispensable même. ».

La Cheffe essaie d’être elle-même actrice du changement pour le milieu de la restauration, « je me sacrifie à 100% pour mon restaurant donc je ne sais pas comment ça se passe ailleurs mais j’essaie pour ma part de faire bouger les choses en tant que femme et en tant que cuisinière pour ma brigade interne. Aujourd’hui on en parle, c’est au cœur des préoccupations, mais il faut voir concrètement dans l’action ce que cela va donner. Ca peut prendre plusieurs générations selon moi mais on a de l’espoir !« . Etre une femme Cheffe à Marseille en 2023 pour elle c’est surtout de l’entraide « je n’y ai jamais réfléchi en tant que tel, je le suis juste au quotidien, mais ce qui est super c’est qu’on est pas seules, il y a énormement d’échanges, de solidarité. J’ai beaucoup d’amies Cheffes et entrepreneuses, on est en relation tout le temps, c’est génial. ».

Laetitia Visse chez La Femme du Boucher

Rendez-vous rue de Village, au restaurant la Femme du Boucher de Laetitia Visse, ouvert en 2020, « j’ai étudié beaucoup dans les cuisines gastronomiques mais j’ai ensuite préféré travailler dans des cuisines plus bistrot. C’est là où j’ai tout appris sur l’univers de la viande. J’ai commencé à la Relève en arrivant à Marseille, les patrons m’ont présenté à leurs fournisseurs marseillais, j’étais très libre pour la carte. Quand j’ai souhaité ouvrir mon propre restaurant, je suis tombée sur ce local, une ancienne boucherie, et j’ai su que ce serait un restaurant où je travaillerais la viande. ». L’aventure était lancée, avec un gros travail de recherches sur les recettes, « ce n’est pas juste une belle pièce de viande avec des pommes de terre, je fais également un gros travail au niveau des légumes. D’ailleurs ils viennent tous de producteurs locaux. Mon but ce n’est pas que les gens mangent plus de viande, je veux mettre en avant des pièces méconnues car moins valorisées. Aujourd’hui à cause d’un manque de connaissances sur les abats et la charcuterie on jette beaucoup trop. Je passe beaucoup de temps à faire des recherches justement sur ces recettes un peu oubliées. Et du coup ma clientèle est composée à la fois d’une génération plus âgée qui est très contente de retrouver ces plats-là et d’une nouvelle génération qui vient découvrir d’autres saveurs ! ».

Sur l’évolution du milieu  de la gastronomie, Laetitia voit de l’amélioration, notamment pour la jeunesse « ça va dans le bon sens par rapport à quand j’ai commencé, où les Chefs pouvaient se permettre de te dire que tu n’allais pas y arriver à cause de ton genre. Il y a beaucoup plus de femmes Cheffes, ça donne des exemples pour la jeune génération, les apprenties qui arrivent. Et elles reçoivent un bon accueil ! C’est très bien qu’on dénonce les mauvaises pratiques de certains et du coup qu’ils aient moins de clients, depuis le Covid il y a eu une vraie remise en question. ». Pour elle être une femme Cheffe à Marseille en 2023 ça passe par l’échange et les événements « on fait beaucoup de choses grâce à Marseille Provence Gastronomie et Gourméditerrannée, du coup on se rencontre les unes les autres et naturellement on discute, on s’échange des recettes, il n’y a pas de barrière. ».

Coline Faulquier chez Signature

Dans le 8e arrondissement, le restaurant Signature de la Cheffe Coline Faulquier fait rayonner la rue du Rouet ! Sa passion pour la cuisine lui a été transmise par sa mère et sa grand-mère, après des études à l’école hôtelière d’Avignon et des stages chez Christian Etienne ou Eric Frechon, elle participe en 2015 à la saison 7 de Top Chef. Après un premier restaurant « La Pergola » à Marseille, elle ouvre en 2019 « Signature », après une rénovation complète du lieu. Elle est récompensée en 2021 par une étoile au Guide Michelin et le prix « Young Chef Award. » Elle définit sa cuisine chez Signature comme « ensoleillée, méditerranéenne, j’utilise beaucoup de produits de la mer et de fruits et légumes. J’utilise aussi beaucoup d’herbes et de fleurs de cueillette sauvage dans la région. Les clients apprécient dans ma cuisine de se souvenir de ce qu’ils ont mangé, de mettre le produit au premier plan. ».

Elle note évidemment une évolution dans le milieu de la cuisine « on nous a un peu snobées pendant des années et aujourd’hui ça change, on est presque sur un piédestal ! J’ai toujours aimé être considérée pour mon travail, mais je n’ai pas la prétention de dire que je sauve des vies. En cuisine j’ai une équipe presque exclusivement féminine et en salle c’est l’inverse. Mais je suis très bien entourée. Je suis jeune maman de mon 2e enfant depuis peu et Cheffe de mon restaurant étoilé, je me suis toujours donné les moyens de tout avoir. ». Sur la place des femmes Cheffes à Marseille elle note une vraie solidarité « il n’y avait pas beaucoup de cheffes avant à Marseille ! Aujourd’hui quand je vois le nombre de femmes qui s’installent, ouvrent leurs propres affaires, je trouve ça super. Je suis contente de pouvoir recommander des très bonnes adresses ouvertes par des hommes mais par des femmes aussi aujourd’hui ! ».

Des Etoiles et des Femmes et Meet My Mama

A Marseille, Des Etoiles et des Femmes est un dispositif qui accompagne depuis 2015, et chaque année, 12 femmes éloignées du monde de l’emploi, dans l’obtention d’un CAP Cuisine au lycée hôtelier de Bonneveine. L’association Festin, fondatrice du projet, travaille sur les différents freins au diplôme pour ces femmes, comme la mobilité, la garde d’enfants, l’accès aux droits, ou la confiance en soi. Elles sont en alternance dans 12 restaurants choisis pour leur bienveillance et leur inclusivité.

Meet my Mama est une start-up de traiteur engagé et une association qui aide les femmes à développer leur activité traiteur et à devenir entrepreneure. Après Paris, ils ont ouvert une branche à Marseille et Meet My Mama compte aujourd’hui 6 femmes de toutes les origines (marocaine, algérienne, comorienne, indonésienne). Meet my Mama leur propose du coaching toute l’année avec l’apprentissage de compétences techniques et de gestion d’entreprise. Via la start-up de traiteur, les mamas travaillent également en proposant des voyages culinaires lors d’événements d’entreprises.

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